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L'origine du coaching
Socrate et la maïeutique
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Socrate
et la maïeutique
le véritable père du
coaching ?
Extrait de
Platon, Théétète, 148e-150e
Socrate - En avant donc, toi qui, si brillamment, viens de tracer la route. Prends
comme modèle ta réponse à la question des puissances,
et, de même que tu as su comprendre leur pluralité sous l'unité
d'une forme, efforce-toi d'appliquer, à la pluralité des sciences,
une définition unique.
Théétète - Mais, sache-le bien, Socrate, maintes fois déjà, j'ai
entrepris cet examen, excité par tes questions, dont l'écho
venait jusqu'à moi. Malheureusement je ne puis ni me satisfaire
des réponses que je formule, ni trouver, en celles que j'entends
formuler, l'exactitude que tu exiges, ni suprême ressource, me délivrer
du tourment de savoir.
Socrate - C'est que tu ressens les douleurs, ô mon cher Théétète,
douleurs non de vacuité, mais de plénitude.
Théétète - Je ne sais, Socrate; je ne fais que dire ce que j'éprouve.
Socrate - Or çà, ridicule garçon, n'as-tu pas ouï-dire
que je suis fils d'une accoucheuse, qui fut des plus
nobles et des plus imposantes, Phénarète?
Théétète
- Je l'ai ouï-dire.
Socrate
- Et que j'exerce le même art, l'as-tu
ouï-dire aussi?
Théétète
- Aucunement.
Socrate
- Sache-le donc bien, mais ne va pas me
vendre aux autres. Ils sont, en effet, bien loin, mon ami, de penser que
je possède cet art. Eux, qui point ne savent,
ce n'est pas cela qu'ils disent de moi, mais bien que je suis
tout à fait bizarre et ne crée dans les esprits que perplexités.
As-tu ouï-dire cela aussi?
Théétète
- Oui donc.
Socrate
- T'en dirai-je la cause?
Théétète
- Je t'en prie absolument.
Socrate - Rappelle-toi tous les us et coutumes des accoucheuses, et tu saisiras
plus facilement ce que je veux t'apprendre. Tu sais, en effet, j'imagine,
qu'il n'en est point d'encore capable de concevoir et d'enfanter qui fasse
ce métier d'accoucher les autres: seules le font celles qui ne
peuvent plus enfanter.
Théétète
- Parfaitement.
Socrate - L'auteur de cette loi est, dit-on, Artémis, qui, sans avoir jamais
enfanté, reçut en partage le soin de présider aux
enfantements. Aux stériles, elle n'a donc point donné puissance
de délivreuses, car l'humaine nature a trop de faiblesse
pour qu'on lui puisse donner un art là où elle n'a point
expérience; mais, à celles que l'âge empêche
d'enfanter, elle donna cette charge pour honorer, en elles, son image.
Théétète
- C'est vraisemblable.
Socrate - N'est-il pas vraisemblable encore et nécessaire que discerner
celles qui ont conçu de celles qui n'ont point conçu soit
plutôt le fait des accoucheuses que des autres?
Théétète
- Certainement.
Socrate -
Les accoucheuses savent encore, n'est-ce pas, par leurs drogues et leurs
incantations, éveiller les douleurs ou les apaiser à volonté,
conduire à terme les couches difficiles et, s'il leur paraît
bon de faire avorter le fruit non encore mûr, provoquer l'avortement?
Théétète
- C'est exact.
Socrate - As-tu noté encore ce fait qu'elles sont les plus expertes
des entremetteuses , parce qu'elles sont d'une extrême
habileté à reconnaître quelle femme à quel
homme se doit unir pour mettre au jour les enfants les mieux doués?
Théétète
- J'ignorais cela totalement.
Socrate - Or sache bien qu'elles en sont plus fières encore que de savoir
couper le cordon. Réfléchis en effet: est-ce ou non au même
art qu'il appartient de soigner et recueillir les fruits de la terre et
de connaître en quelle terre quel plant et quelle semence on doit
jeter?
Théétète - Ce n'est certes qu'au même art.
Socrate - Mais, quand il s'agit de la femme, crois-tu, cher ami, qu'autre est
l'art qui prépare l'ensemencement, autre celui qui recueille?
Théétète
- Ce n'est pas vraisemblable.
Socrate - Aucunement vraisemblable. Mais parce qu'un commerce sans probité
et sans art accouple hommes et femmes en ce qu'on appelle prostitution,
une aversion pour l'art d'entremetteuses est venue aux personnes honorables
que sont les accoucheuses: elles craignent, en effet, de choir dans le
soupçon d'un tel commerce par la pratique de l'art. Et pourtant
c'est bien aux véritables accoucheuses et à elles seules
qu'il appartiendrait, je crois, de s'entremettre avec succès.
Théétète
- Apparemment.
Socrate - Voilà donc jusqu'où va le rôle des accoucheuses; bien supérieure est ma fonction. Il ne se rencontre
point, en effet, que les femmes parfois accouchent d'une vaine apparence
et, d'autre fois, d'un fruit réel, et qu'on ait quelque peine à
faire le discernement. Si cela se rencontrait, le plus gros et le plus
beau du travail des accoucheuses serait de faire le départ de ce
qui est réel et de ce qui ne l'est point. N'es-tu pas de cet avis?
Théétète
- Si.
Socrate
- Mon art de maïeutique a mêmes attributions générales
que le leur. La différence est qu'il délivre les
hommes et non les femmes et que c'est les âmes qu'il surveille
en leur travail d'enfantement, non point les corps. Mais le plus
grand privilège de l'art que, moi, je pratique est qu'il sait faire
l'épreuve et discerner, en toute rigueur, si c'est apparence vaine
et mensongère qu'enfante la réflexion du jeune homme, ou
si c'est fruit de vie et de vérité. J'ai, en effet, même
impuissance que les accoucheuses . Enfanter en sagesse n'est point en
mon pouvoir, et le blâme dont plusieurs déjà m'ont
fait opprobre, qu'aux autres posant questions je ne donne jamais mon avis
personnel sur aucun sujet et que la cause en est dans le néant
de ma propre sagesse, est blâme véridique. La vraie cause,
la voici: accoucher les autres est contrainte que le dieu m'impose; procréer
est puissance dont il m'a écarté. Je ne suis donc moi-même
sage à aucun degré et je n'ai, par devers moi, nulle trouvaille
qui le soit et que mon âme à moi ait d'elle-même enfantée. Mais ceux qui viennent à mon commerce, à leur premier
abord, semblent, quelques-uns même totalement, ne rien savoir. Or
tous, à mesure qu'avance leur commerce et pour autant que le dieu
leur en accorde faveur, merveilleuse est l'allure dont ils progressent,
à leur propre jugement comme à celui des autres.
Le fait est pourtant clair qu'ils n'ont jamais rien appris de moi, et
qu'eux seuls ont, dans leur propre sein, conçu cette richesse de
beaux penseurs qu'ils découvrent et mettent au jour. De leur délivrance,
par contre, le dieu et moi sommes les auteurs. Et voici qui le prouve.
Plusieurs déjà l'ont méconnu, ont cru à leur
propre pouvoir et n'ont fait nul cas de moi. Ils se sont donc eux-mêmes
persuadés ou laissé persuadé par d'autres de me quitter
plus tôt qu'ils ne devaient: ils m'ont quitté et non seulement
ont laissé avorter tous autres germes dans leurs méchantes
fréquentations, mais encore, à ceux dont je les avais délivrés,
n'ont donné que mauvais aliment, dont ceux-ci dépérirent,
et, de mensonges et d'apparences vaines faisant plus de cas que du vrai,
ils n'ont abouti qu'à prendre, à leurs propres yeux et aux
jeux des autres, figure d'ignorants. De leur nombre fut Aristide, fils
de Lysimaque, et beaucoup d'autres. Ils reviennent parfois implorer mon
commerce et sont prodigues d'extravagances. Avec certains, la sagesse
divine qui me visite m'interdit de renouer commerce; avec d'autres, elle
me le permet, et ceux-ci recommencent à fructifier. Ce qu'éprouvent
ceux qui me viennent fréquenter ressemble encore en cet autre point
à ce qu'éprouvent les femmes en mal d'enfantement: ils ressentent
les douleurs, ils sont remplis de perplexités qui les tourmentent
au long des nuits et des jours beaucoup plus que ces femmes. Or, ces douleurs,
mon art a la puissance de les éveiller et de les apaiser. Voilà
donc, à leur état, quel traitement j'apporte. Mais il y
en a, Théétète, de qui je juge qu'ils ne sont en
gestation d'aucun fruit. Je connais alors qu'ils n'ont, de moi, aucun
besoin; en toute bienveillance je m'entremets pour eux et, grâce
à Dieu, je conjecture très exactement de quelle fréquentation
ils tireront profit. Il en est plusieurs que j'ai accouplés ainsi
à Prodicus, plusieurs à d'autres hommes et sages et divins.
Pourquoi, très cher, t'ai-je donné ces longs détails?
Parce que je soupçonne, ce dont toi-même as l'idée,
que tu ressens les douleurs d'une gestation intime. Livre-toi donc à
moi comme au fils d'une accoucheuse, lui-même accoucheur; efforce-toi
de répondre à mes questions le plus exactement que tu pourras;
et si, examinant quelqu'une de tes formules, j'estime y trouver apparence
vaine et non point de vérité, et qu'alors je l'arrache et
la rejette au loin, ne va pas entrer en cette fureur sauvage qui prend
les jeunes accouchées menacées en leur premier enfant. C'est
le cas de plusieurs déjà, ô merveilleux jeune homme,
qui, envers moi, en sont venus à ce point de défiance qu'ils
sont réellement prêts à mordre dès la première
niaiserie que je leur enlève. Ils ne s'imaginent point que c'est
par bienveillance que je le fais; ils sont trop loin de savoir qu'aucun
dieu ne veut du mal aux hommes et que, moi de même, ce n'est point
par malveillance que je les traite de la sorte, mais que donner assentiment
au mensonge et masquer la clarté du vrai m'est interdit par toutes
lois divines. Reprends donc la question à son début, Théétète:
essaie de dire en quoi consiste la science; et garde-toi bien
d'alléguer que tu n'en es point capable, car, si Dieu le veut et
te donne force d'homme, tu le seras, capable.
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